Il y a, a l'evidence, certains contrats qui, par leurs caracteristiques
accusees, se verront reconnaitre probablement dans tous les systemes
juridiques du monde la qualite internationale .
Cependant la vie contractuelle offre sans cesse l'exemple de cas
frontieres d'ou les certitudes sont absentes .
nous etudierons successivement les approches francaises (Section
I), anglaises ( Section II ) et americaines ( Section III) du
contrat international, et enfin l'approche adoptee dans les conventions
internationales sur l'unification du droit en certaines matieres
ou sur le droit applicable (Section IV ) .
Section I : Approches francaises du contrat international
A- Doctrine Matter
Le critere du flux et du reflux a ete elabore en 1927 par l'avocat
general P.Matter par reference au probleme de la nature du paiement
international dans ses conclusions sous l'arret Pelissier
du Besset
La location d'un immeuble avait ete donnee a Alger par un anglais
a un francais, le bail stipulait que le loyer serait paye a Londres
ou a Alger au choix de la bailleresse .
La cour a juge suivant son avocat general, qu'il s'agissait d'un
reglement relevant de la circulation monetaire interieure et non
d'un paiement international .
Capitant, commentant cet arret avait ecrit :
" pour qu'une creance releve de la circulation internationale, il faut deux elements : l'introduction d'une valeur ou d'une marchandise dans un pays, l'exportation de ce pays d'une valeur destinee a solder le prix .
C'est cette double condition qui donne a une
convention le caractere international . "
Cette notion de paiement international s'est progressivement imposee
en jurisprudence .
Cependant, " le critere du double flux de valeurs realise
par un contrat est apparu comme une notion trop precise, laissant
en dehors de son champ d'application des paiements qui presentaient
les caracteres economiques d'operations internationales "
.
Il s'est trouve meme des hypothese dans lesquelles la cour de
cassation s'est affranchi du critere du double flux .
Dans l'arret banque hypothecaire franco-argentine du 14
fevrier 1934, la cour de cassation affirme que " Le
caractere international d'une operation ne depend pas necessairement
du domicile des parties et du lieu stipule pour son reglement,
mais de tous les elements qui entrent en ligne de compte pour
imprimer aux mouvements de fonds qu'elle comporte un caractere
depassant le cadre de l'economie interne " .
De meme, dans un arret du 27 avril 1964, la cour de cassation
releve que " Le caractere international d'une operation
ne depend pas necessairement du lieu stipule pour son reglement
" et approuve le moyen de cassation selon lequel les juges
du fond auraient du examiner l'ensemble de l'operation pour apprecier
le caractere international ou interne du contrat, malgre l'absence
d'un double flux .
B- Critere de la mise en jeu des interets du commerce international
Pour ecarter la nullite de la clause compromissoire edictee par
l'article 1006 de l'ancien code de procedure civile, la cour de
cassation a defini le contrat international comme une convention
qui mettait en jeu des interets de commerce international .
La notion d'interets du commerce international est une notion
economique tres extensive et elastique du contrat international
.
Certains auteurs ramenent cette notion a l'existence d'un
mouvement de biens, de services ou de monnaies a travers les frontieres,
ce qui la rend moins exigeante, se satisfaisant de l'existence
d'un flux dont la contrepartie ( le reflux ) n'est pas necessairement
perceptible .
En pratique, les juges sont appeles dans chaque cas d'espece,
a relever l'absence ou la presence des interets du commerce intenational
pour faire passer un contrat du plan juridique interne au plan
juridique international .
Il a ete juge que constituait un contrat international l'accord
conclu par deux contractants francais portant sur une chose qui
etait en pays etranger et qui devait etre envoyee en France (
Dans l'espece Mardele avait achete a Muller et Cie 100 tonnes
de ble du Chili, CAF Le Havre ) .
Ce critere pourtant trop vague, a ete renforce par l'article 1492 N.C.P.C. qui adopte la definition jusqu'alors jurisprudentielle de l'arbitrage international par l'adoption d'un critere purement economique :
" Est international l'arbitrage qui met en cause des
interets du commerce international "
C- Critere juridique
L'imprecision croissante du critere economique conduit une partie
de la doctrine a preferer une definition plus juridique du contrat
international .
Une partie de la doctrine francaise marque sa preference pour
le critere des points de rattachement du contrat avec plusieurs
systemes juridiques .
Ainsi, pour M. Battifol, un contrat revet un caractere international
"quand, par les actes concernant sa conclusion ou son execution,
ou la situation des parties quand a leur nationalite ou a leur
domicile, ou la localisation de son objet, il a des lien avec
plus d'un systeme juridique .
Le critere juridique a trouve sa pleine expression jurisprudentielle avec l'arret Hecht .
Par contrat conclu en 1967 aux Pays-Bas, la societe hollandaise
Buisman's mandatait a titre exclusif Hecht, de nationalite francaise,
pour vendre en son nom et pour son compte en France continentale
et en Corse, le produit soluble Aroma, destine a l'amelioration
du cafe.
Pour faire echec a la clause compromissoire qui renvoyait au reglement
de conciliation et d'arbitrage de la C.C.I. et obtenir qu'il soit
statue en faveur de la competence du tribunal de commerce de Paris,
Hecht plaidait que ce contrat redige en francais, devait recevoir
execution en France et faisait reference expresse au decret du
23 novembre 1958 relatif aux agents commerciaux; des lors, concluait-il,
ce contrat etant soumis a la loi francaise ne pouvait contenir
une clause compromissoire que dans les limites autorisees par
la loi francaise .
Il ajoutait qu'il ne se trouvait pas dans les cas prevus par la
loi, n'ayant pas acquis la qualite de commercant du fait de son
mandat d'agent commercial de la societe Buisman's .
La cour choisit d'aborder de front la definition du contrat international
par reference a la doctrine des points de rattachement avec plusieurs
systemes juridiques :
" Le contrat litigieux conclu en Hollande entre une
societe commerciale de droit hollandais et un francais est un
contrat international, c'est a dire se rattachant a des normes
juridiques emanants de plusieurs etats .
Il a ce caractere a la fois par le lieu de sa conclusion,
en Hollande, la nationalite differente des parties et son objet
meme qui etait de donner pouvoir a Hecht, ressortissant francais,
d'accomplir en France des actes juridiques au nom d'une societe
de droit, donc de statut personnel hollandais en vue d'accroitre
les exportations en France de celle-ci . "
Lieu de conclusion, objet du contrat, nationalite des cocontractants,
tels sont les trois elements d'extraneite releves par la Cour
.
D'autres applications jurisprudentielles du critere juridique
peuvent etre citees .
Cependant, le critere juridique est insuffisant, comme le souligne
brillamment M. Goldman dans sa note sous l'arret Hecht .
Le contrat, comme instrument des echange et de la production internationaux,
comportera necessairement des points de rattachements multinationaux,
mais la reciproque n'est pas toujours vraie . Ainsi le contrat
par lequel un producteur de Cavaillon vend des legumes livrables
et payables en France a un epicier italien de Paris comporte bien
un element d'extraneite ; mais serait-il legitime de le classer
pour autant dans la categorie des contrats internationaux, alors
que par son objet economique il est exclusivement francais ? .
dans ce sens, la cour de toulouse declare " que si
la notion de contrat international est effectivement difficile
a cerner, la jurisprudence a retenu un certain nombre d'elements
qui permettent de la caracteriser, les uns de caractere juridique
et notamment le fait que ledit contrat se rattache a des normes
juridiques de plusieurs etats, les autres de caractere economique
en ce qu'il a pour effet de mettre en jeu les interets du commerce
international .
Attendu que si chacun de ces caracteres a pu etre considere
comme suffisant en lui-meme pour etablir le caractere international
d'une convention, ces deux caracteres paraissent difficilement
detachables l'un de l'autre et c'est leur conjonction qui caracterise
le mieux l'extraneite ."
Section II : Approches Anglaises du contrat international
Le concept d'internationalite du contrat est aborde par deux lois pour les besoins de determination de leurs champs d'application :
L'Unfair contract terms Act de 1975 et l'Arbitration Act
de 1975 et 1979
A- Unfair contract terms Act
Le probleme de l'internationalite du contrat a ete aborde par
cette loi dans le but de permettre un assouplissement des regles
de l'Unfair contract terms Act disposant l'annulation des clauses
d'exoneration ou de limitation de responsabilite, meme inserees
dans des contrats conclus entre entreprises .
Ladite loi dispose en premier lieu qu'un contrat a caractere international
qui ne serait soumis au droit anglais qu'en raison de la volonte
des parties, ( et qui autrement ne serait pas soumis au droit
anglais par un rattachement quelquonque avec l'Angleterre ), ne
rentre pas dans le champ d'application des sections 2 a 7 et 16
a 21 :
Art. 27 " Where the proper Law of a contract
is the Law of any part of the United Kingdom only by choice of
the parties ( And apart from that choice would be the Law of some
country outside the United Kingdom ) section 2 to 7 and 16 to
21 of this Act do not operate as part of the proper Law "
En second lieu, la loi ecarte de son domaine d'application certains
contrats specifiques, notamment les contrats d'assurance, les
contrats portant sur la creation ou le transfert des droits de
propriete industrielle ou intellectuelle, y compris le Know-How,
et les contrats internationaux de fourniture qu'elle nomme "International
Supply contracts", dont l'article 26(3) donne la
definition .
B- Arbitration Act
L'Arbitration Act de 1950, complete en 1975 et 1976 definit la
convention interne de compromis "Domestic Arbitration Agreement"
et, procedant par une definition negative, permet de deduire ce
qu'il faut entendre par contrat international, dans lequel la
renonciation a l'appel est de maniere generale licite .
Section III: Approches Americaines du contrat international
La cour supreme des Etats-Unis, par deux arrets Zapata (1972)
et scherk (1974) fournit une premiere approche du contrat international
.
A- Affaire Zapata
Une societe allemande Unterweser, en vertu d'un contrat passe
avec une societe americaine Zapata,, avait pour mission de remorque
une plateforme de forage a partir de la Louisianne jusqu'a un
point determine de la cote adriatique en Italie .
Un accident survint dans les eaux internationales du golfe du
Mexique , obligeant le remorqueur a ramener la plateforme en Floride
.
Zapata intenta dans cet etat une action en responsabilite contre
Unterweser .
Le contrat comportait des clauses d'exonerations de responsabilite
qui auraient ete considerees comme valable sous l'empire du droit
anglais, auquel etait implicitement soumis le contrat, par le
jeu d'une clause attribuant juridiction aux tribunaux anglais
.
La district court de Tampa et la cour d'appel refuserent de renvoyer
les parties devant les tribunaux anglais .
La cour supreme critiqua ces deux jugements tout en soulignant
que l'essor et l'expansion de l'economie et de l'industrie americaines
ne pourraient etre encourages que par le respect des conventions
internationales, tout en developpant timidement des elements de
definition de ce contrat, comme la nationalite differente des
deux societes parties au contrat, et son objet meme consistant
en un mouvement de la plateforme a travers les eaux territoriales
de plusieurs pays (a asssimiler aux frontieres) .
quand aux caracteristiques de ce contrat international, le besoin
specifique de securite juridique justifie l'adoption par les parties
d'une clause de juridiction .
La cour supreme deduit du silence des parties quand a la Loi applicable
et de leur accord sur le choix en faveur de la competence des
tribunaux anglais une reference implicite des parties au droit
anglais .
A- Affaire Sherk
La societe americaine Alberto-Culver constituee dans l'etat du
Delaware et dont le principal etablissement se trouvait en Illinois,
fabriquait et commercialisait des produits concernant toilettes
et cheveux .
Elle acheta a un citoyen allemand residant en Suisse, Sherk, trois
entreprises constituees sous l'empire des lois allemandes et du
Liechtenstein .
Le contrat avait ete negocie aux Etats-Unis, en Angleterre et
en Allemagne, signe en Autriche , et le Closing s'etait deroule
en Suisse .
Il transferait a Alberto-Culver tous les droits de marque dont
la proprite exclusive et depourvue de toute contestation a ete
garantie par sherk .
Une clause du contrat stipulait que tout litige entre les parties
serait regle en vertu du reglement d'arbitrage de la CCI mais
que le contrat serait soumis aux Lois de l'etat de l'Illinois
.
Apres avoir decouvert que les droits de marque n'etaient pas incontestables,
Alberto-culver decouvrit que les droits de marque aquis n'etaient
pas incontestables et intenta une action en dommages-interets
devant la district court de l'Illinois .
Sherk ayant souleve l'incompetence des juridictions americaines
en raison de l'existence de la clause arbitrale, la district court
et la cour d'appel declarerent que cette clause n'etait pas executoire
.
La cour supreme consacra la validite de la clause d'arbitrage en qualifiant le contrat d'international, apres avoir releve les trois caracteristiques suivantes :
- La nationalite des parties et leur centre d'interet
- Le lieu de negociation, de la signature et du closing
- L'objet du contrat concernant la vente d'entreprises situees
en Europe, et dont l'activite est largement dirigee vers les marches
europeens
Section IV: Approches des conventions internationales